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AEGIS European Conference on African Studies

11 - 14 July 2007
African Studies Centre, Leiden, The Netherlands


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Côte d'Ivoire, la guerre vue de France. L’information post-coloniale ou le discours de l’innocence

Panel 53. Les effets socio-économiques de la « deuxième décolonisation africaine » au nom du marché libre et global
Paper ID370
Author(s) Dufour, Lucas
Paper No paper submitted
AbstractNous assistons en Afrique à la résurgence, à des degrés divers, d’affrontements dits identitaires (tribaux, ethniques, religieux...). Loin des commentaires qui l’expliquent par des clivages traditionnels ou idéologiques ou par quelques invariants structurels qui seraient propres à l’Afrique, nous attribuons pour notre part cette tendance – de plus en plus banalisée et de plus en plus meurtrière – à la longue durée historique de l’impérialisme – depuis l’appropriation coloniale du continent jusqu’aux chasses gardées d’aujourd'hui. Cette histoire a été notamment marquée par la présence prétendument « civilisatrice » des anciennes puissances colonisatrices qui ont su diviser pour mieux régner (pour asseoir leur domination et garantir leur mainmise sur les richesses) ; ensuite, après la décolonisation, par les politiques des clans au pouvoir qui, devenus responsables de l’approvisionnement en matières premières (notamment minières) de l’Occident, ont utilisé l’appareil d’Etat au profit de leur propre famille d’abord, de leur village natal ou de leur tribu d’origine ensuite, créant de véritables haines là où il n’y en avait pas ; également par la crise économique du capitalisme et par la politique des administrations des élites dirigeantes post-coloniales qui, fragilisées par l’aggravation des conditions de vie de la population (décomposition des Etats, destruction des services publics, prolifération des bandes armées, aggravation de la situation sanitaire, etc.) et menacées par l’agitation sociale, ont systématiquement pratiqué la méthode du bouc-émissaire pour se maintenir au pouvoir ; enfin, par l’exacerbation des rivalités inter-impérialistes qui ont, en effet, jusqu’à présent, alimenté les conflits en exploitant les sentiments racistes et xénophobes les plus violents. Or, toutes ces dimensions sont, pour l’essentiel, absentes du discours des principaux médias occidentaux quand ceux-ci prétendent – au-delà du compte-rendu factuel des événements –rendre intelligibles les mécanismes qui déchirent l’Afrique contemporaine. Pour comprendre ce silence, nous nous proposons dans cette contribution, dans un premier temps, d’objectiver les « grilles d’intelligibilité » à partir desquelles les journalistes entendent « dire » l’actualité de l’Afrique. Un exemple retiendra en particulier notre attention, celui de la Côte-d'Ivoire qui est en proie, depuis septembre 2002, à un conflit violent entre, d’un côté, une rébellion maîtresse de la partie nord du pays, et, de l’autre, le pouvoir officiel et son armée loyaliste – qui contrôlent la partie sud. Nous procéderons en particulier à une description des schémas de pensée utilisés, en France, par les principales radios publiques pour comprendre cette « fracture communautaire » au sein d’un pays autrefois présentée comme un « modèle » pour l’ensemble du continent africain. Dans un second temps, nous nous interrogerons sur l’« objectivité » revendiquée par les journalistes et la pertinence des principes explicatifs convoqués. Est-il possible, en effet, d’appréhender la réalité politique de la Côte d'Ivoire si on ignore les dynamiques ou contradictions sociales du pays ou les rapports de force internationaux à l’intérieur desquels il se situe ? Au-delà, peut-on comprendre les « conflits régionaux » et leur dérive « ethnonationaliste » si on se refuse de les inclure à une connaissance d’ensemble des totalités historiques (notamment l’impérialisme) dont lesquelles ils prennent origine et forme ?