|
AEGIS European Conference on African Studies
11 - 14 July 2007 African Studies Centre, Leiden, The Netherlands
Show panel list
Du roi sacre au sacre du roi. Elements de réflexion sur l'historicité du pouvoir royal en Afrique
Panel |
22. Retour sur les monarchies sacrées en Afrique
|
Paper ID | 754 |
Author(s) |
Gilles, Holder
|
Paper |
No paper submitted
|
Abstract | Lorsqu'on se penche sur la littérature consacrée à la royauté en Afrique, on se retrouve confronté à une série d'épithetes, roi divin, roi magicien, roi prêtre, reine de pluie, roi de paix, roi sacré, qui oblige à rompre avec toute référence au monde européen. Si le roi de France a longtemps été de droit divin ou si, comme le dit Shakespeare, «il y a tant de divin autour d'un roi», on ne parle pourtant jamais de roi divin ; tout au plus dit-on parfois qu'il s'agit d'un divin roi, mais on y voit là flatteries de courtisans. De même, si le roi d'Angleterre accomplit des miracles et guérit, on préfère le définir en thaumaturge, ou en mystique, plutôt que de le présenter comme un roi magicien, étant entendu que le Mystère de Dieu est autre chose qu'une vulgaire superstition. Et si le sacre anglais ou francais, à travers l'onction, est décrit comme la condition majeure de la légitimité royale qui élève le dignitaire au rang de quasi-prêtre, il ne viendrait à la plume d'aucun historien d'écrire qu'il s'agit là d'un roi-prêtre, ni même de définir ces royautés européennes comme des royautés sacrées. D'où vient ce traitement différencié à l'égard des royautés africaines, qui se retrouvent classées aux cotés des royautés antiques, pré-modernes, voire primitives? Aurait-on à faire à un pouvoir royal de nature particulière et propre au continent noir ou à une catégorisation et une épistémologie des sciences de l'homme qui maintiendraient une altérité radicale, sans parler de la réification d'un exotisme teinté de racisme?
Sans rejeter l'idée qu'il existe des différences entre royautés africaines et européennes, lesquelles ont beaucoup tenu au partage disciplinaire entre l'anthropologie pour les unes et l'histoire pour les autres, nous montrerons que la sacralité royale est, en Afrique comme ailleurs, un objet qu'il est tout à fait possible d'historiciser. Parallèlement, il s'agira de ne pas perdre de vue le fait que la sacralisation est aussi une opération symbolique qui consiste à faire la preuve que le détenteur du pouvoir suprême n'est pas ou plus soumis aux contingences du temps qui régissent le commun des mortels.
À partir des matériaux ethnographiques que nous avons recueillis sur la royauté des Saman de la région de Bandiagara, au nord-est du Mali, nous nous efforcerons de considérer à la fois l'histoire et l'historicité de cette royauté. Il s'agira de restituer d'abord le corpus des sources écrites et orales qui permettent de l'inscrire dans un espace historique et politique, une durée et une temporalité, avant de s'attacher aux usages discursifs que la sacralité offre aux Saman pour se penser comme une société historique. Enfin, on montrera que la sacralité aura constitué une ressource qui, loin de figer un dispositif symbolique régie par des structures intemporelles, a au contraire permis aux Saman de définir la royauté comme un «lieu vide» (Lefort 1986) et d'y puiser une configuration possible de la démocratie contemporaine promue par la république du Mali. |
|